lundi 22 janvier 2018 | By: Mickaelus

Louis de Bourbon, duc d'Anjou : le devoir de faire fructifier l'héritage de la France

Vœux de Mgr le Prince Louis de Bourbon, Duc d'Anjou

 Secrétariat de Monseigneur le Duc d'Anjou


Français, mes  chers compatriotes,

Depuis plusieurs années, j'ai  pris l'habitude de m'adresser à vous durant le mois où des vœux sont formés pour ceux que l’on aime.

Au début, ce message du 21 janvier n’était reçu que par les  fidèles qui, en cette date anniversaire de la mort du Roi Louis XVI revivaient en leur cœur, l'espérance de la tradition. Il y avait sans doute alors un peu de nostalgie en souvenir d’un temps glorieux  où la France était une grande nation. Puis, d’année en année, l'audience de ce message s’est développée, notamment  avec l’essor des nouvelles formes de communication.

En ce début 2018, je veux poursuivre cette rencontre.  Elle  fait partie de mon devoir de successeur légitime des rois dont l’histoire se confond avec celle de la France. Comme héritier des Rois, je me dois d’incarner cette tradition qui ne peut consister uniquement à assister à des cérémonies de mémoire. Elles sont pourtant  nécessaires et j’y participe toujours avec joie. Elles permettent de résister à la destructrice amnésie mémorielle instrumentalisée par ceux qui n’ont pas envie de voir la France fière d’elle-même et soucieuse de prolonger dans l’avenir, le rôle de moteur qu’elle eut durant si longtemps.

Mais, à quoi  me servirait-il  d’être  l’héritier d'une dynastie millénaire ? Il ne peut s’agir pour moi de me satisfaire de considérer la gloire de mes ancêtres. Il m’appartient encore plus, si je veux être digne d’eux,  de contribuer à l’édification du présent et de l’avenir à ma manière, avec mes moyens. Je serai ainsi fidèle à ce qui était la nature de la royauté française, faire de l'action du roi, avant tout, un service rendu à tous.

Remplir ce devoir  me paraît d'autant plus important que notre pays traverse une épreuve difficile comme l'histoire en réserve, malheureusement, à espaces réguliers. Dans ces moments c’est toujours en revenant à ses fondamentaux que la France a pu trouver un nouveau souffle. Devant les difficultés il ne s’agit ni de se cacher la réalité, ni d’abandonner,  mais de réagir. Tel est le devoir d’état de chacun, des familles en particulier, même si c’est souvent difficile et impose des sacrifices.  Par ma position,  n’ayant pas à me placer dans le contexte de promesses ou de programmes de la politique au quotidien, il m’appartient de le rappeler. 

Attaquée à l'extérieur et sur notre sol par un ennemi aussi insidieux que brutal et qui souvent trouve du renfort dans  nos faiblesses et notre laxisme; rongée de l'intérieur par une crise morale qui lui fait parfois renier son identité, notre pays, la France, est tenue de réussir à se reprendre. Elle le  doit à tous ses enfants ; elle a aussi une obligation envers ceux qui l’ont toujours regardée comme le foyer où naissent les grandes idées et s’épanouit la civilisation née du double héritage gréco-latin et chrétien.

Cet héritage,  s’il nous a été transmis, n’a de sens que pour le présent. Il nous appartient de le faire vivre. Cela d’autant plus que la société est à un tournant et, surtout,  en attente. Le contexte ayant changé, il faut lui redonner un cadre.  Celui dans lequel nous vivions depuis deux siècles s’effrite. Fait de beaucoup d’idéalisme, d’égoïsme et de matérialisme il ne répond plus aux besoins de la société car elle s’est prise dans ses propres contradictions. Ses excès dans tous les domaines ont abouti à d’immenses échecs  tant dans le domaine social qu’environnemental et l’homme en fait les frais. Ce mouvement délétère pour les libertés devenues licences, l’économie devenue financiarisation, l’emploi précarisé, la culture, l’éducation  et le patrimoine trop souvent livrés aux destructions,  se développe puisque, face à lui, un nouveau contexte se met en place. Il se nomme mondialisme, société du numérique et de la dématérialisation, émergence de nouvelles puissances, éclatement de la société en « réseaux », remise en cause de certains fondamentaux en matière d’éthique tels que famille et couple ou la valeur de la vie humaine, déculturation.

La situation n’est pas simple et il est difficile de trouver la juste conduite face à ce monde qui change. Un monde nouveau est à redessiner ce qui demande de récréer une anthropologie donnant sa place à la gratuité.  Abandonnons donc les constats et la nostalgie d’un temps qui n’est plus celui dans lequel nous vivons et encore moins celui de nos enfants !

Acceptons, enfin, de relever  les défis de demain pour redonner du sens à nos actions présentes et futures. Redonnons à la jeunesse l’espérance, non pas celle des facilités matérielles mais celle(s) de l’épanouissement de soi et des autres à commencer par la famille qui doit redevenir  le socle principal de toute vie commune. La génération montante, la mienne, ayant redécouvert les vertus du réalisme qui doit imprégner l’action, a largement déjà contribué à la remise en cause des excès d’une société sans limite et oublieuse de la nécessaire transcendance sans laquelle l’homme n’est pas pleinement homme.

Cela  me parait conforme au rêve capétien  qui a bâti la France et enfanté l’Europe.  Il était vision d’un avenir partagé. Les grandes nations ont besoin de tels horizons. Regardons autour de nous, les pays qui prospèrent sont ceux qui croient en eux et en leur devenir.  Ce fut longtemps l’esprit qui  a animé notre pays et le monde occidental.  Avec lui la France a pris une place prépondérante dans le monde car elle était porteuse d’espoir pour ceux qui aspiraient à devenir sujets du Roi de France. Ainsi ils avaient l’assurance de participer à cette aventure commune que la France offrait à tous dès lors qu’ils l’aimaient et voulaient contribuer à sa grandeur.

Face aux nouveaux enjeux il y a place pour un pays qui  s’affirme avec son identité propre et ses valeurs. Déjà de nombreux d’entre vous en ont conscience : ceux qui entreprennent, ceux qui trouvent de nouveaux terrains sur lesquels le génie français peut se déployer ; ceux qui pensent que le Bien commun sera toujours supérieur aux égoïsmes ; ceux qui ont compris que la vie en société est préférable à tous les communautarismes, formes nouvelles des féodalités archaïques. Il y a un espace pour la France dans le monde de demain et donc pour les Français. Il appartient à chacun de le construire en restant fidèle aux valeurs et aux principes légués par l’histoire. Soyons fiers d’être des héritiers et sachons transmettre l’héritage.

En ce début d’année, mes vœux s’adressent tout particulièrement à tous ceux qui croient en la France, mais je pense aussi à ceux que la société a laissé sur le bord du chemin, ayant oublié que la charité demeurait le premier devoir des hommes. Ils ont leur place. Ne l’oublions pas !

En 2018, pour l’aider à être elle-même, puisse la France, fille aînée de l’Eglise compter sur tous les Saints qu’elle a vu naître, à commencer par Saint-Louis, le modèle des gouvernants.


Louis de Bourbon, Duc d’Anjou
le 20 janvier 2018



vendredi 28 avril 2017 | By: Mickaelus

Macron contre Le Pen : orléanisme contre bonapartisme ?

Alors que les candidats du second tour de l’élection présidentielle de 2017 sont connus depuis quelques jours désormais, il convient sans doute de s’interroger un peu sur un résultat qui, s’il avait été prévu voire entretenu et espéré par les sondeurs et les journalistes par anticipation d’un « front républicain » commode – au bénéfice de qui, telle était l’inconnue –, n’en demeure pas moins un changement apparent du fait de l’élimination des représentants des deux partis qui ont gouverné la France successivement sous la Ve République, c’est-à-dire le Parti socialiste et les Républicains – anciennement UMP et RPR/UDF. 

S’il ne s’agit que d’un changement de façade à mes yeux, c’est d’abord parce qu’Emmanuel Macron était tout autant le candidat du Parti socialiste que Benoît Hamon, quoique promu par une voie différente et plus occulte, et parce que le parti de Marine Le Pen, que l’on parle du Front national ou d’un hypothétique Rassemblement bleu Marine post-présidentielles plus large, tend de plus en plus à incarner la droite républicaine telle qu’elle existait jadis, quand les Républicains, eux, penchent de manière assez évidente au centre ou au centre-droit selon les cas, le RPR ayant été absorbé par l’UDF et non l’inverse.

S’il doit y avoir un véritable bouleversement politique à l’occasion de cette élection présidentielle, c’est bien plutôt par un jeu de recomposition qui n’est en vérité qu’une clarification assez nécessaire : en ne soutenant pas Benoît Hamon, toute une frange du Parti socialiste a soutenu Macron ne serait-ce que par un silence significatif dans le meilleur des cas ; en appelant à voter pour le même Macron au second tour de l’élection, presque tous les représentants historiques des Républicains, de François Fillon à Alain Juppé en passant par Nicolas Sarkozy, ont prouvé que l’opposition entre centre-gauche et centre-droit n’avait bel et bien été que du cinéma pendant des années. Au vain spectacle d’illusionniste de l’opposition gauche-droite, simulacre advenant sous le regard bienveillant de l’Union européenne aux commandes, doit succéder une confrontation plus vive car plus réelle entre les tenants de la mondialisation d’un côté, et ceux des états nations de l’autre, à cela s’ajoutant une mise en question des élites politiques et de leur rôle.

Bien que le royalisme ni, plus précisément, le légitimisme ne soient naturellement pas concernés par une telle élection présidentielle, une connaissance correcte de l’histoire de France ainsi qu’un regard plus exigeant sur les institutions et leurs conséquences pourraient permettre d’y voir un peu plus clair dans l’émergence de ce clivage qui couvait, en vérité, depuis Maastricht et qui ne pouvait que s’imposer de plus en plus depuis le referendum sur la constitution européenne de 2005, organisé sous Jacques Chirac, et son reniement effectué par voie parlementaire à travers le Traité de Lisbonne, sous Nicolas Sarkozy. Car si l’on peine à définir un thème véritablement prédominant dans cette campagne présidentielle au niveau médiocre, symbole indubitable de notre triste époque parmi tant d’autres, on peut tout de même estimer que c’est l’opposition entre mondialisation et souveraineté qui est la plus parlante, et par laquelle on peut regrouper d’autres thématiques. Alors, certes, ce n’est hélas pas de souveraineté royale dont il est question, la seule véritable et opérante sans laquelle ce débat ne serait pas pertinent de la même façon, mais plutôt de la question d’une indépendance plus ou moins relative, garantie par le chef de l’Etat d’un régime contestable autant par son histoire que par sa forme.

Justement, les candidatures de Benoît Hamon et surtout de Jean-Luc Mélenchon encourageaient à s’interroger sur le rôle du président par rapport à leur idée de VIe République, mais qui se contentait de proposer, pour aller vite, un rééquilibrage interne entre les pouvoirs du président et du parlement, même si Mélenchon prévoyait un débat potentiellement plus musclé avec l’Union européenne, qu’il n’avait pu l’être avec ses anciens collègues socialistes libéraux. Mais de fait, si parmi les onze candidats du premier tour beaucoup avaient des réserves sur l’exercice du pouvoir libéral de l’UE, seulement trois d’entre eux portaient ces réserves à partir de questions de principe, ainsi François Asselineau, Nicolas Dupont Aignan et Marine Le Pen. A côté d’eux, Emmanuel Macron, rejoint « en marche » par François Bayrou, partisan déclaré et de longue date d’une Europe fédérale et donc de la fin de la nation française telle que définie actuellement, apparaît comme le candidat le plus compatible – sans doute plus encore que ne l’était François Fillon qui pouvait laisser entendre quelques fausses notes en politique étrangère par rapport à la doxa de l’UE –, avec l’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui, et telle qu’elle entend se renforcer demain.

Mais d’où vient donc cet Emmanuel Macron et que représente-t-il vraiment, relativement aux vieux courants historiques dont l’analyse peut intéresser des royalistes mais aussi les amateurs d’histoire et de philosophie politique ? Qu’il ait été banquier d’affaire, qu’il ait fait, paraît-il, quelques études de philosophie, qu’il ait été conseiller à l’Élysée et ministre de l’économie, ne nous en révèle sans doute pas autant, au final, que les soutiens qu’il peut afficher ou que les discours et les déclarations qu’il peut faire ou pas : le candidat en paroles prévaut forcément sur une biographie banale, alors que les hommes politiques ne forgent plus leur caractère au creuset de l’histoire. « En marche » n’en est pas moins une vraie réussite politique, étonnante même, d’un point de vue purement formel, mais l’éclat de la forme ne saurait dissimuler le vide d’un projet politique qui ne vise, finalement, qu’à conforter tous les dogmes du politiquement correct, en tentant de faire accroire que la nouveauté des visages et des formules partisanes allait nécessairement présupposer celle de la politique mise en œuvre ultérieurement. Pour ma part, avec son ancrage dans le milieu des affaires, le soutien des journalistes et du show-business, celui, surtout, de tous les libéraux des partis centristes, le candidat Macron m’a tout l’air sorti du XIXe siècle, du milieu orléaniste et de ce que l’on appelait alors la gauche dynastique. Alors, s’il n’y a plus de roi bourgeois à la Louis-Philippe, comme avait feint de le déplorer Emmanuel Macron dans un article qui avait fait sensation à l’époque, demeure toujours la grande bourgeoisie et autres affairistes qui sont aujourd’hui les véritables souverains à travers les multinationales, l’Union européenne, tout ce système mondialiste qui vise à faire de l’argent la référence absolue et sans rivale aucune de l’activité comme de la vie humaines. Quand il se pose comme le candidat patriote contre le nationalisme prétendu de son adversaire, il dévoie le sens du mot patriotisme, en faisant comme si une politique économique a priori efficace et bénéficiant aux Français, devait régler tout questionnement sur l’indépendance de la France ; mais comment se prétendre patriote si la patrie n’est plus ou qu’elle n’est plus qu’une province européenne, et comment ne pas poser seulement l’hypothèse que l’on puisse préférer l’indépendance, quitte à faire quelques sacrifices financiers ? Le candidat Macron n’hésite pas à détourner le sens des mots et de l’histoire, y compris quand il reprend ce classique du Parti socialiste : « le nationalisme, c’est la guerre. »  Ainsi donc, il serait philosophiquement certain que le rétablissement des frontières, d’une monnaie souveraine, d’un certain patriotisme économique intelligent et un arrêt plus que vital de l’immigration, engendreraient une guerre avec nos voisins européens ? On a peine à suivre un raisonnement aussi grossier, sauf à y voir un chantage éhonté qui consiste à peu près en ceci : « Français, soit vous renoncez à jamais à toute idée d’indépendance et vous vivrez tranquilles, soit vous vous accrochez à l’idée d’état nation et vous succomberez rapidement aux dix plaies d’Egypte. » Il existe pourtant encore en Europe quelques pays qui ont conservé leurs frontières et leur monnaie, et ils n’ont pas sombré comme l’Atlantide sous le coup de quelque châtiment divin… Mais outre ce jeu sur la peur qu’il faut remarquer, il faut encore accuser Emmanuel Macron d’être celui qui promeut véritablement la guerre par sa conception, ou plutôt la conception qu’il n’a pas de la France. Je me souviens en effet qu’il y a dix ans déjà, Philippe de Villiers, alors qu’il était encore engagé en politique, avait coutume de déclarer qu’une société multi-culturelle était une société multi-conflictuelle. La guerre qui se prépare, bien malheureusement, dans les sociétés occidentales déchristianisées, n’est pas une guerre de nations contre nations comme jadis, mais une guerre de communautés contre communautés, politiques, ethniques et religieuses.

Ainsi, si le candidat de la grande bourgeoisie orléaniste Emmanuel Macron est celui du règne de l’argent tout-puissant et sans frontières, avec des capitaux qui circulent aussi bien que des foules de migrants bariolées, celui également d’un territoire de France où les cultures vont et viennent sans que l’on puisse les hiérarchiser historiquement, puisque d’après lui il n’existe pas de culture française mais divers cours d’eau qui abreuvent le grand fleuve mondial, Marine Le Pen fait de son côté une campagne « au nom du peuple », avec ce slogan qui ne manque pas de rappeler la maxime bonapartiste : « pour le peuple et par le peuple. » C’est que là où Macron est le serviteur et l’instrument d’une oligarchie mondialiste pour laquelle la France n’est qu’un marché parmi d’autres, Le Pen s’efforce de reprendre le combat souverainiste qui était celui de Villiers il y a dix ans, en proposant la reconquête de certains attributs régaliens dont l’état républicain s’est vu déposséder progressivement, ainsi la maîtrise du territoire national avec des frontières ou encore l’attribution d’une monnaie française. S’agissant de la volonté de rendre à l’état sa puissance politique par un retour de souveraineté, on ne peut lui donner tort si l’on se souvient de l’adage selon lequel le roi de France est empereur en son royaume, l’empire de l’époque opportunément vaincu par Philippe Auguste à Bouvines étant le saint Empire romain germanique, lointain ancêtre de l’Allemagne. Quand Emmanuel Macron se rend en Algérie pour accuser la France de crime contre l’humanité au sujet de la colonisation, il n’est pourtant aucunement gêné, aux côtés de son allié François Bayrou, par le fait de sacrifier l’indépendance et les intérêts de son pays à la colonisation des instances de l’Union européenne et de l’Allemagne à travers elles. En vérité, les collaborateurs, puisque Macron semble reprendre volontiers l’assimilation outrancière de toute idée d’indépendance d’un pays au fascisme et au nazisme, se situent bien plutôt du côté de ceux qui sacrifient la souveraineté et la liberté de leur pays, comme on l’a vu trop souvent dans notre histoire et dès la Guerre de cent ans. La méthode de Marine Le Pen pour espérer raviver cette indépendance, comme cela pouvait être le cas pour Philippe de Villiers mais de manière encore plus symptomatique, souffre toutefois nécessairement de la conception républicaine du pouvoir et de la souveraineté. Non seulement elle devra, si elle est élue, composer avec un corps législatif incertain et une justice constitutionnelle qui risquent fort de lui donner du fil à retordre comme à Donald Trump aux Etats-Unis, mais de plus sa méthodologie plébiscitaire et référendaire, d’inspiration gaulliste et bonapartiste, repose sur la vision populaire de la souveraineté. C’est-à-dire que si referendum il y avait sur l’Europe et sur l’euro, et qu’il était perdu, au nom de cette vision la candidate n’aurait plus qu’à remballer ses convictions et à présider contre icelles. Je suis, au contraire, de ceux qui croient qu’il existe certaines vérités sur le compte de la France qui ne peuvent pas être sujettes à débat, mais l’engagement républicain est nécessairement ce qui piège la droite depuis la Révolution, le combat de celle-ci conduisant à jouer le rôle de l’assiégé. Le fait de parler au peuple n’est certes pas indigne en soi, au contraire, mais ce bonapartisme républicain risque fort de se retourner contre ses propres espérances à cause d’une opinion énormément divisée et tristement versatile – comme quand le non l’a emporté au referendum sur la constitution européenne de 2005, avant de voir l’élection de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, deux présidents aux politiques pourtant contraires à ce résultat. Il n’est pour autant pas question de nier, au-delà de la perspective idéologique, la difficulté pratique de la candidate Le Pen que l’on verrait mal mettre en place un tel programme par ordonnances et à grands coups de 49.3 comme compte le faire Emmanuel Macron en d’autres occasions, peut-être avec son ancien rival Manuel Valls, spécialiste en la matière. Le royalisme français lui-même, et le légitimisme en particulier, s’il ne doute pas de ses principes et de sa tradition en eux-mêmes relativement à la vérité de la France, est bien en peine de les communiquer au peuple vivant sur les terres de l’ancien royaume de France, tant et si bien que finalement l’héritier des rois de France Louis de Bourbon en vient dans ses déclarations à se dire prêt à assumer le titre de roi de France si les Français y sont prêts eux aussi. Il existe en cela une cohérence historique et un souvenir de ce qui aurait dû être fait lors des derniers règnes des Bourbons ; c’est bien une partie de la noblesse et de la noblesse de robe en particulier (les ancêtres de ces juges qui ont éliminé François Fillon, pour qui je n’ai guère de peine au vu de son appel empressé à voter Macron), en sus de l’activisme de la bourgeoisie et des « philosophes », qui a empêché le roi de France de réformer la politique économique de la monarchie absolue au bénéfice du peuple, ne serait-ce qu’au niveau de l’impôt. Tant et si bien que la grande bourgeoisie, dans laquelle s’est fondue tout à son aise la noblesse traîtresse, a fait la Révolution au nom d’un peuple pris en otage puis l’a exploité sous le couvert de cet orléanisme affairiste qui s’est perpétué jusqu’à Macron qui l’incarne si bien.

En tous les cas, s’il faut accorder quelque point à Emmanuel Macron, c’est bien d’avoir écrit, comme je l’ai déjà rappelé ci-dessus, que la France ne s’était jamais remise de la perte du roi comme père, parce que cela avait – et c’est moi qui conclus cela – relativisé à jamais la notion de souveraineté en France. Mais il ne suffit pas de parler de royalisme pour être royaliste ou s’en approcher, ce que l’on voit bien avec son soutien Stéphane Bern, dont l’orléanisme dynastique de jeunesse s’est mué en orléanisme pratique : voilà bien la seule cohérence que l’on peut trouver dans ce camp à cet égard. Le cas de Marine Le Pen est plus clair, elle qui prend pour modèle un personnage historique comme le cardinal de Richelieu (nom que devrait recevoir un second porte-avions sous sa présidence) sans vouloir autre chose que les institutions de la Ve République au nom de la synthèse de l’histoire de France propre au courant bonapartiste et gaulliste. J’avais, il y a quelques années, écrit un court article de doctrine s’intéressant à la classification des droites historiques, et hiérarchisant trois approches : l’histoire légitimiste se basant sur une définition capétienne de la France de Clovis jusqu’à la Révolution ; l’histoire bonapartiste (et orléaniste si on utilise le mot du côté plus nationaliste de l’Action française) regroupant les héritages monarchiques et républicains ; l’histoire strictement républicaine pour qui la France n’existe ou n’est à considérer que depuis 1789 voire 1793 dans le pire des cas. Marine Le Pen et le Front national ne me semblent pas se résumer au régime de Vichy et au maréchal Pétain comme certains aimeraient le faire croire, mais bien plutôt participer de la vision de l’histoire bonapartiste, celle qui devrait d’ailleurs logiquement prédominer dans une Ve république respectueuse de sa vocation de synthèse. C’est d’ailleurs ce que l’on devrait retrouver dans l’école qui devrait à nouveau transmettre cette histoire sans idéologie d’extrême gauche et mise en avant du communautarisme, quand on s’efforce aujourd’hui de bannir des programmes tout ce qui sentirait un peu trop la « France d’avant » ou les racines. De même, si la conception de la laïcité implique une mise à égalité des religions avec laquelle un légitimiste ne peut s’accorder, quand le roi de France est sacré et le catholicisme religion d’État (nous parlons d’un catholicisme traditionnel et non du catholicisme libéral et révolutionnaire prédominant, hélas, de nos jours, même si l’Église s’est abstenue de consigne de vote pour l’instant), Marine Le Pen laisse ouverte la perspective de la protection au moins culturelle de l’héritage chrétien, alors qu’elle est aussi la seule à remettre en cause le mariage pour tous de Christiane Taubira. Emmanuel Macron, lui, est désormais soutenu par les institutions juives et musulmanes de France et ira sans nul doute encore plus loin que François Hollande dans la destruction de la notion de la famille, cette cellule de base de la société comme l’écrivait Honoré de Balzac, et dans la promotion de l’individu déraciné et désincarné. Relativement aux trois manières de voir l’histoire de France que j’ai évoquées ci-dessus, il m’est du reste difficile de le classer. S’il ne correspond absolument pas aux visions légitimiste et bonapartiste, je ne suis même pas sûr qu’il puisse s’inscrire dans la vision républicaine, tant on a l’impression qu’avec Macron, il n’existe même plus d’histoire de France tout court, mais seulement un horizon européen eschatologique et une notion de performance économique, comme si l’homme n’était qu’un corps sans âme, ni mémoire, comme notre pays une entité sans passé ni identité. La France aurait donc fait son temps, même la régence qu’est la Ve république. « Je m’en vais, mais l’État demeurera toujours », aurait dit Louis XIV peu avant sa mort. Pour combien de temps encore ?